« C'est une bonne situation pute ? »

Ça fait un moment qu’il me démange cet article et je me décide enfin à l’écrire après mon accrochage avec @melangeinstable d’hier.

En retournant voir sa TL, quelques tweets m’ont interpelés et sans être une réponse directe, cet article va tenter d’apporter mon point de vue sur la question.

https://twitter.com/melangeinstable/status/245159348303699968

https://twitter.com/melangeinstable/status/245159739896516608

Je suis plutôt d’accord avec cette manière de se poser la question. Là où en tant que règlementariste j’arrive de manière souvent péremptoire, affirmant qu’il faut maintenir le droit à la prostitution. – ouais, c’est un droit depuis que des gens ont décidé qu’il fallait interdire cette activité –

De l’autre côté du ring on a les abolitionnistes qui eux aussi ont le même acharnement à affirmer que la prostitution c’est de la violence POINT.

Mais tout ce petit monde (moi y compris) oublie trop souvent que la vraie seule réponse valable à cette question: « Est ce que le fait d’avoir des rapports consentis mais non désirés contre rémunération est une violence ? » est « Ça dépend des personnes concernées. »

J’ai envie de poser les questions suivantes: « Pourquoi être prostituéE aujourd’hui c’est une situation moisie ? Comment faire pour que ça se passe mieux ? »

Attention, ça va être un peu long

Être pute aujourd'hui c'est pourri :

Les prostituéEs sont en situation de clandestinité, avec toute la précarité que ça implique. Avant 2003, le racolage était puni par une amende. Depuis 2003 c’est un délit :

Art. L. 225-10-1. - "Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 Euros d'amende."

À côté de ça, le proxénétisme a une définition tellement large que le propriétaire d’un appartement loué par une pute est considéré comme un proxénète. Idem pour les proches :

Art. L. 225-5. - "Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
  1. D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ;
  2. De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ;
  3. D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire.
Art. L. 225-6. - "Est assimilé au proxénétisme et puni des peines prévues par l'article 225-5 le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
  1. De faire office d'intermédiaire entre deux personnes dont l'une se livre à la prostitution et l'autre exploite ou rémunère la prostitution d'autrui ;
  2. De faciliter à un proxénète la justification de ressources fictives ;
  3. De ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ;
  4. D'entraver l'action de prévention, de contrôle, d'assistance ou de rééducation entreprise par les organismes qualifiés à l'égard de personnes en danger de prostitution ou se livrant à la prostitution.
Le proxénétisme est puni de sept ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende.

C’est donc un peu le combo gagnant pour ostraciser absolument toutes les prostituéEs qu’illes soient victimes de réseaux mafieux, en détresse sociale ou qu’illes trouvent ça moins pire que le travail à la chaîne ou la survie à coup de RSA. Elle ne peuvent pas se plaindre aux autorités sans risquer de finir derrière les barreaux, elles ne peuvent disposer d’aucune aide sociale, etc…

La pénalisation des clients n’améliorera pas leur situation puisqu’en plus de les avoir privéEs de droits, on les prive maintenant de la dernière chose qui leur reste: Leurs revenus.

Ça c’est pour le volet légal. Mais socialement elles sont également victimes du patriarcat et de l’ambivalence de la société vis à vis du sexe :

Une pute – Je me rends compte que je dis « pute » depuis le début mais c’est sans volonté de nier la prostitution masculine et transsexuelle, on va dire que c’est un terme neutre dans le cadre de cet article. – une pute donc, c’est, au choix, vu comme quelqu’un qui choisit la solution de facilité ou comme une malheureuse victime. Et jamais comme une personne responsable qui fait ses choix en son âme et conscience.

Une pute, c’est aussi quelqu’un qu’on peut violer sans peine. Puisque de toute façon, soit on a payé pour ça, soit elle est plus à ça près, de toute façon si un rapport payant est pas consenti elle se fait violer tous les jours alors une fois de plus une fois de moins…

Le point de vue des gens sur le sexe est très problématique également. Il y en a à peu près partout et pourtant en parler librement et sans complexe reste tabou. C’est quelque chose de privé qui ne doit surtout pas transparaître sur la voie publique sauf s’il est vulgaire ou tourné en ridicule. Alors forcément, quelqu’un dont c’est le métier n’est pas quelqu’un de normal.

Du coup il y a quelque chose de très violent psychologiquement à se voir sans cesse renvoyer cette anormalité, ce qui n’aide très certainement pas des personnes prostituées à vivre au mieux leur situation.

Mais ça peut s'arranger :

En commençant par abroger les lois qui les mettent au ban de la société on leur facilitera l’accès aux aides juridiques et sociales, en leur permettant d’exercer leur métier en plein jour on réduira l’influence de ceux qui abusent d’illes dans l’ombre.

En leur donnant les mêmes droits qu’à n’importe quel travailleur, on aidera la société à ne plus les considérer comme des parias, à avoir une meilleur image de leur métier et donc à ne plus culpabiliser de faire un métier horrible.

En leur permettant de se regrouper et de se soutenir, on réduira l’influence des réseaux mafieux qui profitent d’illes.

En arrêtant de vouloir imposer notre point de vue sur « ce que le sexe devrait être », on arrêtera de les considérer comme des déviantEs à remettre dans le droit chemin, des victimes d’abus qui n’ont pas la notion de ce qu’illes font, illes pourront donc ne plus culpabiliser de faire un métier de dépravéEs.

Et pour finir, le meilleur moyen de mettre un terme à la prostitution, c’est peut-être de permettre à celles et ceux dont c’est le dernier recourt d’avoir un autre choix que la misère ?